samedi 8 juin 2013

Malnutrition infantile: il faut agir maintenant



Près de 52 millions d'enfants âgés de moins de cinq ans ont souffert de malnutrition aiguë, en 2012.

Chaque minute, environ dix enfants dans le monde meurent de malnutrition aiguë. Et pourtant, pour la première fois, les acteurs de l’aide humanitaire et les Etats disposent d’outils et de stratégies qui permettraient d’éviter la mort de ces enfants.
Si on a parfois tendance à en ignorer l’ampleur, la malnutrition aiguë demeure un phénomène bien réel. En 2012, 52 millions d'enfants âgés de moins de cinq ans en ont souffert. La forme la plus sévère atteint 29 millions d’entre eux.
Aujourd’hui, nous savons qu’attendre qu'un enfant soit touché de malnutrition aiguë sévère [pdf] pour le soigner est une erreur. En effet, les procédures à mettre en œuvre génèrent un coût bien trop élevé en termes de ressources humaines puisque chaque enfant nécessite un minimum de cinq consultations, et qu’un enfant sur cinq doit être hospitalisé. Ce qui est impossible dans les pays les moins développés, qui font face à une pénurie de personnel médical qualifié.
Ces soins de la dernière chance ont aussi un prix prohibitif (100 à 150 euros par enfant en fonction des pays), qui détourne de cette cause les Etats les plus riches. Ces derniers sont lassés d’avoir à soigner année après année les mêmes enfants, de débourser sans fin des sommes importantes.

Prévenir plutôt que guérir

Lors de la Conférence internationale contre la malnutrition infantile en Afrique sub-saharienne, organisée par l’Unicef à Paris les 13 et 14 mai, un consensus a donc émergé entre les partenaires sur la stratégie à suivre: il faut prévenir et non guérir la malnutrition aiguë sévère. Il s’agit de la seule solution viable et durable pour réduire de façon significative la mortalité infantile liée à la malnutrition.
Pour la première fois, la stratégie fait consensus, mais aussi les outils et la méthode à suivre. Pendant longtemps s’est posé le problème de la conservation des produits distribués aux jeunes enfants par les associations humanitaires et les Etats.
Mais aujourd’hui une révolution technologique a eu lieu, qui, si elle change la donne, demeure pourtant largement ignorée du grand public. Des aliments de supplément prêts à l’emploi ont été développés, qui permettent de stabiliser les apports en lait et micro-nutriments. Y compris dans des endroits chauds et sans prendre le risque de contaminer les enfants les plus vulnérables, notamment ceux de 6 mois à 2 ans. Une étude réalisée au Niger démontre que les enfants ayant reçu des compléments nutritionnels ont vu leur mortalité réduire de 50%.

Encourager la vaccination

Autre élément essentiel: le développement d’une approche intégrée. Nous savons qu’il existe une corrélation évidente entre certaines maladies et la malnutrition aiguë sévère. Un enfant malade a beaucoup plus de chance de souffrir de malnutrition et réciproquement, un enfant malnutri se défend moins bien face aux infections, développe des pathologies plus sévères et a un risque plus élevé de mourir d’une simple diarrhée ou d’une infection respiratoire.
La prévention de la malnutrition doit se faire dans le même temps que la prise en charge des soins pédiatriques: détection et traitement précoce des pathologies les plus tueuses et vaccination.
De plus, il est plus facile pour une mère devant faire 20 ou 30 kilomètres à pied pour faire vacciner son enfant, de la convaincre de le faire si elle peut dans le même temps recevoir un complément alimentaire efficace.

Simplifier les processus sanitaires

Les outils et la méthode ont donc été identifiés et le combat pourrait être lancé sans plus attendre. Pourtant, des obstacles demeurent qu’il nous faut maintenant lever. Il s’agit d’abord de simplifier les protocoles de traitement pour arriver à proposer à moindre coût et à grande échelle ces services.
Un exemple: au Niger où Alima et son partenaire Befen sont présents depuis 2009, certaines familles doivent parcourir plus de 15 kilomètres à pied pour atteindre un centre de santé. Il faut donc faire des mères des agents clef de la décentralisation des soins. Elles sont les mieux placées pour dépister au plus tôt la malnutrition de leur enfant et permettre un traitement rapide avant que leur situation ne s’aggrave.
Dans cet esprit, Alima et Befen ont initié au Niger le programme Mothers understand and can do it (MUAC, Les mères comprennent et peuvent le faire, en français), qui propose un dépistage de la malnutrition aiguë sévère par les mères grâce à l’utilisation du ruban de mesure du périmètre brachial. Ce type d’intervention simple doit être généralisé.

Une action plus collective des ONG

Il faut aussi d’urgence simplifier l’architecture de l’assistance internationale. En effet, la multiplication des programmes internationaux verticaux qui ne répondent qu’à une seule partie des besoins, complexifie considérablement la mise en place d’une offre de soins pédiatriques globale.
Ainsi, le Fonds mondial propose des traitements contre le paludisme, Gavi Alliance rend disponibles des vaccins, l’Unicef apporte les aliments pour la forme la plus sévère de la malnutrition, le Programme alimentaire mondial (PAM) pour sa forme modérée. Sans que ces acteurs ne puissent développer une stratégie cohérente dans laquelle chaque apport renforcerait l’utilisation des autres composantes.
Cet éclatement du système d’aide est dans doute aujourd’hui l’obstacle le plus difficile à surmonter pour des acteurs de terrain comme Alima et pour les ministères de la santé des pays concernés.

100 dollars par an

Mais les obstacles de la prévention de la malnutrition sont également financiers. Les aliments de complément et les soins pédiatriques ont un coût: environ 100 dollars par an durant les deux premières années d’un enfant. Des engagements sur des financements à long terme sont aussi indispensables pour mettre en place ces actions.
Mais si de tels engagements étaient pris, on pourrait atteindre en moins de deux ans des taux de mortalité comparables à ceux des pays développés et des couvertures vaccinales supérieures à 95%.
Pour les plus cyniques, il est peut-être temps de rappeler que la diminution de la mortalité infantile représente un levier de croissance du Produit intérieur brut (PIB) significatif, selon la Banque mondiale.

"La balle est dans le camp du Nord"

Au-delà de cet argument, politiquement, moralement et socialement, il devient inacceptable de ne pas mettre en œuvre des politiques de soins adaptées qui ont fait leurs preuves en sauvant des dizaines de milliers de vie chaque année.
Nous sommes à un tournant de la lutte contre la mortalité infantile. En plus du consensus sur les actions concrètes à mener, il faut une réelle décentralisation des soins vers les mères, un effort de coordination des grandes initiatives de santé globale et un engagement financier significatif lors du sommet du G8.
Pour la première fois, les solutions existent, les volontés politiques des pays touchés aussi. La balle est dans le camp du Nord. Le prochain sommet du G8 à Londres, les 17 et 18 juin, peut et doit être le moment de ce choix politique.
 http://www.youphil.com/fr/article/06547-malnutrition-infantile-nord-agir-ONG-G8-humanitaire?ypcli=ano

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